20 mar 2012

L’insertion par l’économie : quels enjeux, quels défis ?

 

Depuis quelques années, on entend de plus en plus parler des vertus de l’insertion par l’économie. Il s’agirait en effet d’un moyen très efficace pour répondre aux enjeux du chômage durable et pour permettre à des demandeurs/euses d’emploi de renouer avec le marché du travail. Mais dans le fond, l’insertion par l’économie, c’est quoi ? Pour répondre à cette question, un spécialiste du sujet : Christophe Dunand.

Directeur depuis 1993 de l’entreprise sociale REALISE, Christophe Dunand est co-fondateur et membre actif du Conseil romand de l’insertion par l’économique  (CRIEC) et de la Chambre genevoise de l’économie sociale et solidaire (APRES-GE). Auteur ou coauteur de plusieurs publications sur l’insertion par l’économique, les entreprises sociales et l’économie sociale et solidaire, Christophe Dunand a publié en 2006, aux Editions IES, « Travailler pour s’insérer. Des réponses actives face au chômage et à l’exclusion : les entreprises de réinsertion ».

Vous trouverez ci-dessous quelques extraits de l’interview réalisée le 31 janvier 2012. L’intégralité de cette passionnante interview peut être téléchargée ici : Interview de Christophe Dunand

 

Extraits choisis :

Quand on parle d’insertion par l’économique en Suisse, de quoi parle-t-on ?

On parle d’organisations, appelées généralement «entreprises sociales d’insertion par l’économique» (ESIE). Ce sont des entreprises qui ont des activités économiques, mais dont le but premier est l’insertion (le but n’est pas le profit). Elles produisent des biens et des services qui sont destinés au marché ; elles sont donc dans une situation de prise de risques économiques, au même titre que les entreprises classiques. (…)

Quels sont les principaux apports des entreprises d’insertion dans la prise en charge et l’encadrement des bénéficiaires ?

La grande spécificité, c’est le « travail ». On se met au travail, on travaille ensemble à produire des biens et des services utiles pour le marché. On n’est pas pris en charge dans un bureau pendant une heure par semaine. On passe la journée en équipe, avec un professionnel de l’insertion qui est à la fois un technicien du domaine d’activité (ça peut être un jardinier, ça peut être un spécialiste en informatique dans un atelier de Réalise) et qui a été formé à l’accompagnement vers l’emploi et à la formation des adultes. Il y a donc un environnement d’entreprise, une proximité et une relation quotidienne qu’on ne trouvera pas dans d’autres types de mesure.  (…)

Y-a-t-il des profils-type de bénéficiaires pour les entreprises d’insertion ? Y-a-t-il eu une évolution des profils depuis le début de la création des entreprises d’insertion ?

Les entreprises d’insertion sont spécialement adaptées pour des personnes qui peuvent développer leurs compétences et mobiliser leurs ressources par le travail. C’est l’idée « d’apprendre en faisant », comme dans la logique de l’apprentissage. Les personnes visées sont essentiellement « pas ou peu » qualifiées ou leurs qualifications sont obsolètes ou enfin, elles ont des qualifications non reconnues en Suisse. Ce sont aussi des gens qui souvent n’ont pas conscience de leurs compétences et de leurs limites et qui ne savent pas bien « se vendre » sur le marché de l’emploi.

Peut-on dire que le profil a évolué depuis la création des entreprises d’insertion ? Il y a toujours des personnes dont les problèmes d’insertion sont liés à des questions sociales ou sanitaires (problème d’endettement, d’addiction par exemple). Mais depuis les années 90, il y a proportionnellement beaucoup plus de personnes qui ont perdu leur emploi pour des raisons économiques et dont bon nombre développent des problèmes sociaux sanitaires du fait du chômage.

Le nombre de personnes ayant besoin de prestations d’insertion a globalement très fortement augmenté, entraînant la création de nombreux nouveaux programmes d’insertion et de formation à l’insertion.

Concrètement, en tant que Directeur d’une entreprise d’insertion, sur quelle base pouvez-vous dire en fin d’année que « vous avez fait du bon boulot ! » ?

 Très concrètement, je regarde autant le nombre de personnes qui ont retrouvé un travail que le nombre de personnes qui, depuis leur arrivée chez Réalise, ont trouvé une solution ou un chemin plus adapté à leur situation propre et ont développé leurs compétences techniques et sociales.

On peut aussi être satisfait quand, grâce au maintien en activité, des personnes ont pu régler des problèmes importants qui freinaient leur accès à l’emploi, comme par exemple des problèmes d’endettement, de santé, d’addiction, …

Il y a enfin des résultats plus difficilement mesurables, mais importants et observables, tels que la socialisation, le bien-être personnel, la confiance et l’estime de soi. 

Comment les collectivités publiques peuvent-elles soutenir le secteur des entreprises d’insertion de manière efficace ?

Il faut impérativement des politiques publiques qui formalisent la question de l’insertion par l’économique, ce dont nous manquons tant au niveau fédéral que cantonal. Certains cantons et municipalités, comme en Ville de Genève avec le Fonds chômage, ont toutefois des dispositifs qui soutiennent les activités et les projets des entreprises sociales d’insertion. 

Il faut également  que les marchés publics soient davantage accessibles aux entreprises d’insertion. La Ville de Genève est pionnière en la matière puisque depuis la fin des années 80, la Ville leur achète de nombreuses prestations, notamment le nettoyage des places de jeux. (…)

Retrouvez l’intégralité de cette interview ici : Interview de Christophe Dunand

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Un commentaire sur “ L’insertion par l’économie : quels enjeux, quels défis ? ”

  1. Paullus dit :

    Internet devrait pouvoir jouer le rôle pivot de l’insertion par le travail.
    Pourquoi ne pas publier toutes les places vacantes ou demandes de services du canton?
    Que faire si elles ne sont pas suffisantes?

    Les appels d’offres du services publique ne sont pas accessibles suffisamment simplement(sans avoir recours à un intermédiaire)?

    Les entreprises d’insertion deviennent un « business » captif. Les rémunérations doivent y être du même niveau que les conventions collectives y compris pour des handicapés qui cherchent à retourner à une vie la plus « normale » possible, pour recouvrer un maximum de dignité par l’autonomie et la réappropriation de sa propre estime.

    Que faire des organisations économiques qui poussent leurs membres à des pratiques addictives, à un endettement compulsif et qui les éjectent à un age butoir?